Entre mars et avril 2020, le monde entier entre petit-à-petit en confinement pour faire face à la pandémie du nouveau coronavirus qui se répand comme une traînée de poudre. Le sport n’y échappe pas et le tennis, sport mondialisé au possible, se pose entre parenthèses. Tournois, exhibitions et entraînements sont annulés ou reportés à une date indéterminée. Au fil des semaines, la situation s’améliore et le monde de la petite balle jaune se réveille lentement, encore groggy. Pour en réchauffer les muscles, divers acteurs du circuit décident alors d’organiser des événements de reprise. Une sorte de fitness matinal avant d’entrer dans la journée active. Parmi eux, le très publicité Adria Tour de Novak Djokovic. Mais l’échauffement prévu s’est rapidement transformé en déchirure des ligaments.
Déployé dans les villes serbe de Belgrade et croate de Zadar, l’Adria Tour est le premier tournoi de tennis organisé après la crise sanitaire du Covid-19. Il doit être celui qui relance le circuit et la saison. Mais le tournoi n’ira même pas jusqu’à son terme, après s’être transformé en nouveau foyer de contaminations. Battu par le Croate Borna Ćorić à Zadar, le Bulgare Grigor Dimitrov explique en après-match s’être senti « à plat ». Le soir même, il est testé positif. Le lendemain, c’est son adversaire qui annonce sa contamination, asymptomatique pour sa part. Et la liste ne cesse de s’allonger. À l’heure actuelle, on retrouve sur la liste noire : Novak Djokovic, son préparateur physique et son épouse, l’entraîneur de Grigor Dimitrov, Viktor Troicki et son épouse, et même le basketteur Nikola Jokić qui a côtoyé le numéro un mondial lors de l’événement. Dans le même temps, le club de football de l’Étoile Rouge de Belgrade annonçait que cinq de ses joueurs étaient également atteints. L’organisateur du tournoi avait pourtant affirmé que toutes les précautions avaient été prises. Il n’a pas fallu longtemps pour observer les preuves du contraire.
Les images backstage qui ont filtré en ont fait frémir plus d’un : un stade comble, une absence presque record de masques, des accolades entre joueurs qui partent ensuite dîner ensemble sans la moindre précaution et finissent en boîte à danser torse nu. Quoi d’étonnant dès lors que d’observer ce pic de nouvelles contaminations? Au vu du contexte de ce début de tournoi, il se pourrait même que l’ensemble des personnes présentes puisse être contaminée (joueurs, staff, personnel, caméramans, journalistes, spectateurs). Une situation chaotique qui fait craindre un effet domino sur le circuit tennistique qui doit reprendre en août. Présents à l’Adria Tour, Alexander Zverev et Marin Cilic ont été testés négatifs mais le Russe Andrey Rublev s’est placé lui-même en quarantaine forcée. Dominic Thiem a, lui, entre temps rejoint l’Ultimate Tennis Showdown de Patrick Mouratoglou où de nombreuses têtes d’affiches se produisaient (Stefanos Tsitsipas, Matteo Berrettini, David Goffin). L’organisation a fait tester l’Autrichien à son arrivée mais on n’est pas passé loin de la catastrophe.
Les réactions n’ont pas tardé. Proche du numéro un mondial, Andy Murray n’en a pas perdu son objectivité : « Ce qu’il s’est passé là-bas, ce n’est pas une bonne chose. Quand on traverse une période comme celle-ci, il est important que tous les athlètes de haut niveau du monde entier montrent que nous prenons cela au sérieux, que nous respectons les mesures de distanciation sociale. Ici, cela n’a pas été le cas. » Toujours très réactif sur les réseaux sociaux, le bouillant Nick Kyrgios a directement tweeté sa stupeur, son incompréhension et surtout sa colère. Et au travers de ces critiques, toujours plus nombreuses, c’est l’ensemble du monde du tennis qui tremble, en manque de leadership dans toutes ses structures. Car depuis le début de la crise sanitaire, on ne sait pas qui dirige réellement : l’ITF (Fédération Internationale de Tennis), le duo ATP/WTA ou les puissants tournois des Grand Chelem? Personne n’en sait rien. Et cela n’aide évidemment pas.

En interne, dans les méandres du tennis professionnel, tout le monde se dit choqué et scandalisé de la tenue de ce tournoi. Mais on y dit aussi que Novak ne récolte que ce qu’il a semé, parce que c’était inévitable. Le numéro un mondial s’est, comme souvent, senti tout-puissant et trop puissant. Plus puissant que l’ATP, que les mesures sanitaires et que le virus. Et pendant que la grogne monte, Nole est rentré calmement chez lui, à Belgrade, et estimait, avant d’être confirmé comme cas positif, pouvoir voyager sans se faire tester. Une attitude irresponsable au possible qui explique, en partie du moins, les manquements sécuritaires de l’Adria Tour. Parce que la compétition fut à l’image de l’homme qui se cache derrière le tennisman. Au cours de la pandémie, Novak Djokovic s’est en effet déclaré opposé à la création d’un vaccin et s’est déconfiné avant la date autorisée. Il s’est cru plus fort que le virus et a manqué d’humilité, une fâcheuse habitude. Son tournoi étant le premier post-Covid, le Djoker devait être celui qui avait relancé le tennis. Certains avancent même que ce détail pourrait être la réelle motivation derrière cette compétition. Et quand on sait à quel point le Serbe cherche perpétuellement la reconnaissance, on ne peut qu’y voir une hypothèse au minima crédible.
Mais cette attitude irresponsable l’est encore plus au vu de la position du leader du circuit masculin. Car au-delà de son statut de numéro un mondial, Djokovic est aussi et surtout le président de l’association des joueurs. Il est celui qui doit montrer l’exemple, et il a fait strictement l’inverse. Cela risque de lui porter préjudice dans ses fonctions. Son irresponsabilité va donner plus de poids encore aux charismatiques et respectés Roger Federer et Rafael Nadal qui ont rejoint l’association des joueurs il y a quelques mois à peine pour diminuer son influence. Les deux compères s’étaient retirés du projet il y a quelques années mais ont récemment repris fonction après avoir affiché de profondes fractures quant à la gestion du Serbe vis-à-vis du Conseil et du circuit. L’objectif inavoué de leur retour est de rééquilibrer une balance qui penche largement en faveur de l’aura du numéro un mondial. Une aura qui s’est largement effritée ces derniers jours. D’autant plus que les conséquences de l’Adria Tour pourraient impacter l’ensemble du circuit ATP. Dans quel état d’esprit les joueurs vont-ils aborder un US Open déjà largement contestés par plusieurs grands noms? Rafael Nadal et Simona Halep ont ouvertement critiqué des conditions sanitaires trop faibles dans les garanties du Grand Chelem américain… alors que Novak Djokovic a, lui, au contraire, estimé que les mesures étaient déjà trop contraignantes. La fracture est plus qu’évidente.
Les experts et consultants espèrent que l’ATP prendra ses responsabilités et sanctionnera le Serbe mais peut-on réellement l’espérer? La meilleure des sanctions, pour avoir mis les conditions sanitaires en danger, serait d’exclure les protagonistes du tournoi de l’US Open. Car rappelons-le : dans le public présent lors de l’Adria Tour, il y avait des personnes âgées. Que se passerait-il si une des personnes présentes lors du tournoi venait à décéder du coronavirus? La question de la responsabilité serait évidemment abordée. Mais les instances tennistiques oseront-elles priver le numéro un mondial (avec le caractère qu’on lui connaît) du Grand Chelem américain? Le doute est plus que permis.

Et alors que l’on pensait l’affaire déjà assez explosive et conflictuelle, le clan Djokovic ne semble pas rassasié. Au lieu de faire profil bas, Srdjan, le père du Djoker, vient d’accuser publiquement le Bulgare Grigor Dimitrov d’avoir infecté les autres joueurs : « [Il] a causé beaucoup de dégâts à la famille du tennis. Il a sans doute voyagé avec une infection venue d’on ne sait où et ne s’est pas fait tester. » Des accusations directement rejetées par le manager de l’intéressé qui assure que son joueur s’est plié à tous les tests possibles et que la responsabilité des contaminations est à imputer uniquement aux organisateurs du tournoi. Si beaucoup pointent du doigt depuis plusieurs années la mauvaise foi et le manque d’humilité de Novak Djokovic, la cause n’est pas à chercher bien loin : il suffit d’écouter parler son père.

Antoine Thirion
Fondateur et rédacteur en chef
Spécialités : Politique internationale, sport, musique.
Description : Parti de Bourg-Palette à dos de nuage magique, j’ai rempli mes poches d’Honneur Ball pour capturer mes infos. Sur mon chemin vers les colombes de mes abysses, j’ai pris une tasse de Caffey avec le Lieutenant Ripley en admirant les Trivela de Quaresma. Amateur de liberté, je songe à me faire tatouer le plan d’évasion de ce monde pour ne pas finir dans ma piscine.
Quand on se croit au dessus des autres, a un moment on le paie toujours. Tel est l exemple de ce joueur doué pourtant. Il devrait effectivement apprendre l humilité.