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Le 12 août 2000, le sous-marin nucléaire russe Koursk sombrait dans les eaux glacées de la mer de Barents. Cette tragédie, qui a coûté la vie à 118 marins, a marqué les débuts tumultueux de Vladimir Poutine à la présidence russe. Retour sur ce drame naval et ses conséquences inattendues pour le pouvoir russe.
Le Koursk, fierté de la flotte russe, était un mastodonte des mers. Long de 154 mètres et pesant 13 500 tonnes, ce sous-marin nucléaire lanceur de missiles incarnait la puissance navale russe. Mis en service en 1994, il avait déjà prouvé son efficacité lors de nombreuses missions stratégiques.
Ce samedi 12 août, le Koursk participait à des exercices navals en mer de Barents. Son objectif : tirer deux torpilles sur un croiseur lors d’une parade organisée par Vladimir Poutine. Mais le destin en a décidé autrement.
À 11h28, une première déflagration secoue le Koursk. La cause probable : une fuite de peroxyde d’hydrogène, le carburant hautement corrosif des torpilles. Cette explosion ravage les deux premiers compartiments du sous-marin.
Deux minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus violente, déchire la coque du Koursk. L’onde de choc est si puissante qu’elle est captée par des sismographes à 250 km de là. L’eau s’engouffre à 90 000 litres par seconde dans le navire. Le sort du Koursk est scellé.
Sur les 118 membres d’équipage, 23 parviennent à se réfugier dans les compartiments arrière. Privés d’électricité, plongés dans le noir et le froid, ils attendent désespérément les secours. Mais le système de détresse du Koursk a été désactivé quelques mois plus tôt suite à une maladresse en Méditerranée. Impossible d’appeler à l’aide.
Combien de temps ont survécu ces marins ? Le mystère reste entier. Les autorités russes parlent d’une mort rapide, mais certaines sources évoquent une agonie de plusieurs jours, fauchés par l’asphyxie ou l’hypothermie.
Pendant ce temps, en surface, la parade navale se poursuit comme si de rien n’était. Ce n’est qu’en fin de journée que l’absence du Koursk est remarquée. La marine russe minimise l’incident, évoquant de simples « difficultés techniques mineures ».
Vladimir Poutine, fraîchement élu président cinq mois plus tôt, rentre tranquillement dans sa datcha pour un barbecue entre amis. Le Kremlin ne sera informé du naufrage que 12 heures plus tard.
Les jours suivants sont un calvaire pour les familles des marins. Alors que la rumeur d’un naufrage se répand, l’état-major persiste à affirmer que « tout est normal ». Ce n’est que le 14 août que Poutine sort enfin du silence, reconnaissant une « situation critique ».
La Russie finit par accepter l’aide internationale, d’abord refusée par fierté. Mais il est déjà trop tard. Le 19 août, les plongeurs norvégiens confirment qu’il n’y a aucun survivant. La nouvelle provoque un tollé en Russie.
La gestion calamiteuse de cette crise par le Kremlin suscite une vague d’indignation. 72% des Russes accusent le pouvoir d’avoir sacrifié les marins. Poutine est violemment pris à partie par les familles des victimes et une partie de la marine.
Pour le jeune président, c’est un fiasco total qui aurait pu lui coûter son poste. Comment a-t-il réussi à surmonter cette tempête politique ?
Face au scandale, le Kremlin laisse planer le doute sur les causes du naufrage. On évoque pêle-mêle une collision avec un sous-marin espion, un choc avec une mine de la Seconde Guerre mondiale, voire le début d’une Troisième Guerre mondiale !
Ces théories du complot détournent l’attention de la responsabilité des autorités. Il faudra attendre 2002 pour que l’enquête officielle conclue à un accident dû au mauvais entretien des torpilles.
Vingt ans après la tragédie, le naufrage du Koursk semble avoir sombré dans l’oubli. En 2015, seuls 23% des Russes accusaient encore le pouvoir d’avoir mal géré la crise, contre 72% en 2000.
Comment expliquer ce revirement de l’opinion publique ? L’usure du temps, le nettoyage des hauts gradés de la marine et l’omniprésence médiatique de Poutine ont sans doute joué.
Ironiquement, ce qui aurait dû être le premier clou dans le cercueil politique de Poutine s’est transformé en tremplin. En tirant les leçons de ce fiasco, le président russe a renforcé son emprise sur le pouvoir et les médias.
Aujourd’hui, l’homme fort du Kremlin règne toujours sur la Russie. Le naufrage du Koursk, loin de le couler, l’a propulsé vers les sommets. Une remontée aussi spectaculaire qu’inattendue pour celui qui avait failli sombrer avec le Koursk.