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Le 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin tombait sous les balles d’un extrémiste. Un quart de siècle plus tard, que reste-t-il de sa vision d’une paix durable entre Israéliens et Palestiniens ? Retour sur le parcours d’un homme d’État visionnaire et sur l’héritage complexe qu’il laisse derrière lui.
Ce soir-là, l’ambiance est à la fête sur la place des Rois d’Israël à Tel Aviv. Des milliers de personnes sont venues soutenir le processus de paix porté par leur Premier ministre. Mais à 21h50, trois coups de feu retentissent. Yitzhak Rabin s’effondre, touché par les balles d’Yigal Amir, un étudiant juif d’extrême-droite de 25 ans.
La nouvelle de l’attentat se répand comme une traînée de poudre. Devant l’hôpital où Rabin a été transporté, une foule anxieuse guette le moindre signe d’espoir. Mais à 23h15, le couperet tombe : le Premier ministre est mort. Ses derniers mots publics auront été ceux de la Chanson pour la paix, symbole de son engagement pour la réconciliation.
Né en 1922 à Jérusalem, Yitzhak Rabin a d’abord été un militaire de carrière. Il s’illustre notamment comme chef d’état-major lors de la guerre des Six Jours en 1967, acquérant une réputation de « faucon » intransigeant. Mais c’est en homme d’État qu’il marquera l’histoire.
Devenu Premier ministre en 1974, il est le premier natif d’Israël à occuper cette fonction. Après un passage dans l’opposition, il revient aux affaires en 1992 avec une promesse audacieuse : conclure la paix avec les Palestiniens « d’ici six mois à un an ». Le 13 septembre 1993, il signe les accords d’Oslo aux côtés de Yasser Arafat, sous l’égide de Bill Clinton.
Cette poignée de main historique lui vaut le prix Nobel de la paix en 1994. Mais elle suscite aussi la colère des ultranationalistes israéliens, qui voient en lui un traître à la cause sioniste. C’est dans ce contexte tendu qu’intervient son assassinat, qui mettra un coup d’arrêt brutal au processus de paix.
L’enquête révèle rapidement que le meurtrier, Yigal Amir, a agi seul, guidé par son fanatisme religieux. Il affirme avoir voulu « stopper » le processus de paix et débarrasser Israël d’un « rodef » (personne nuisible à la communauté juive selon la loi rabbinique).
Mais au-delà de l’acte individuel, c’est tout un climat de haine qui est mis en lumière. Dans les mois précédant l’attentat, Rabin avait été la cible d’une violente campagne de dénigrement de la part de l’extrême-droite. Des manifestations le représentaient en uniforme nazi ou dans le viseur d’un sniper.
Le rôle du Likoud, principal parti d’opposition alors dirigé par Benyamin Netanyahou, est particulièrement pointé du doigt. Ses attaques répétées contre la politique de Rabin, qualifiée d' »hérésie », ont contribué à légitimer la violence verbale contre le Premier ministre.
Vingt-cinq ans après sa disparition, force est de constater que le rêve de paix de Yitzhak Rabin semble plus lointain que jamais. Le processus d’Oslo s’est enlisé, puis a volé en éclats avec la seconde Intifada en 2000. Aujourd’hui, c’est le Likoud de Netanyahou qui est aux manettes, avec une politique nettement moins conciliante envers les Palestiniens.
Pourtant, la figure de Rabin continue de hanter la politique israélienne. Chaque année, des commémorations rappellent son sacrifice pour la paix. Mais ces hommages sont aussi l’occasion de débats houleux sur son héritage. Certains voient en lui un naïf qui a fait trop de concessions, d’autres un visionnaire dont le projet a été brutalement interrompu.
Si la solution à deux États prônée par Rabin semble aujourd’hui dans l’impasse, son appel au dialogue et à la réconciliation garde toute sa pertinence. Dans une région toujours marquée par les tensions, sa vision d’une coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens reste un horizon lointain mais nécessaire.
L’assassinat de Rabin a brutalement rappelé les dangers de l’extrémisme et de l’intolérance. En ce sens, son sacrifice continue d’interpeller la société israélienne sur ses divisions internes et sur la nécessité de préserver la démocratie face aux dérives radicales.
Enfin, le parcours de Rabin, du militaire intransigeant au Prix Nobel de la paix, illustre la possibilité d’une évolution des mentalités. Son exemple peut inspirer de nouvelles générations de leaders prêts à dépasser les antagonismes pour construire un avenir commun.
Vingt-cinq ans après sa mort, le rêve de Yitzhak Rabin n’est pas mort. Mais il a besoin d’être réinventé pour s’adapter aux réalités actuelles. La paix qu’il envisageait ne pourra se construire que sur la base d’un dialogue renouvelé entre Israéliens et Palestiniens, loin des postures idéologiques figées.
L’héritage de Rabin invite aussi à repenser le rôle de la communauté internationale dans la résolution du conflit. Son approche pragmatique et son souci du compromis restent des sources d’inspiration pour les diplomates d’aujourd’hui.
Enfin, son destin tragique rappelle l’importance de lutter contre la violence politique et la radicalisation. Dans un Moyen-Orient toujours instable, cultiver l’esprit de tolérance et d’ouverture prôné par Rabin est plus que jamais nécessaire.
Le chemin vers la paix reste long et semé d’embûches. Mais l’exemple de Yitzhak Rabin montre qu’avec du courage et de la détermination, les murs de la méfiance peuvent tomber. C’est peut-être là le plus beau legs de cet homme d’État visionnaire, dont le rêve continue d’interpeller les consciences, 25 ans après sa disparition.