Marsouins, dauphins, rorquals, tortues,… Les animaux marins semblent tous destinés à finir sur nos plages, vivants comme morts. Depuis les années 2000, le nombre de ces échouages a doublé, avec un « record » de 2290 dauphins en France en 2019. Retour sur les potentielles causes.
Fin septembre 2020, Tasmanie. Des centaines de cétacés s’échouent en même temps sur une plage. Malgré l’engagement des sauveteurs, plus de 380 animaux meurent. Sur l’année 2018, ce sont 800 cadavres de dauphins que l’on retrouve sur les côtes françaises. Si des protocoles sont créés et permettent de réagir rapidement lors d’une intervention, rien aujourd’hui n’explique de manière certaine les causes des échouages.
L’impact de l’homme sur les communautés marines

Comme les émissions sonores en pleine mer sont responsables de l’augmentation des collisions entre cétacés et bateaux, il semble logique de se demander si les bruits propagés dans l’eau n’auraient pas un impact sur les échouages. Utilisant un système d’écholocalisation pour chasser et se mouvoir, ils peuvent être désorientés par les bruits humains (sonars de bateaux) qui peuvent, dans le pire des cas, les rendre sourds (explosions, exercices militaires, etc). Cette hypothèse a d’ailleurs été avancée pour expliquer l’échouage d’une centaine de dauphins d’Électre à Madagascar en 2008 qui seraient arrivés sur la côte suite au passage du bateau de recherche pétrolière de la société ExxonMobil.
La collision avec les navires et la capture par inadvertance dans les filets de pêche sont d’autres explications possibles aux échouages. Blessé, l’animal se laisse porter par le courant et se trouve emmené sur les côtes. Des recherches sont aujourd’hui en cours sur le sujet afin de diminuer ces risques, d’autant plus que certains bateaux utilisent les ondes sonores pour éloigner les marsouins et les dauphins de leurs filets.
Dans les années ’80 et ’90, l’émergence d’échouages de mammifères marins a été suspectée comme la conséquence de la dégradation de l’environnement marin et de la pollution. Ainsi, en 2013, quatre baleines à bec de Longman (une espèce rare) se sont échouées en Nouvelle-Calédonie. L’autopsie a révélé que leur estomac contenait de nombreux déchets plastiques, voire des sacs entiers. Un régime alimentaire qui pourrait trouver son origine dans le « 7ème continent », le continent de plastique du Pacifique d’une surface équivalente à trois fois celle de la France.
Des causes parfois naturelles

L’échouage des mammifères marins, s’il peut être en partie incriminé à l’homme et à la destruction du milieu, n’est pas que de son fait. On sait en effet que ce phénomène n’est pas récent puisque des échouages de cachalots étaient rapportés en Mer du Nord dès le 16ème siècle et même durant le Moyen-Âge.
Ainsi, en 2019, près de 400 globicéphales noirs ont été victimes de la topographie de la côte néo-zélandaise. Le dédale des dunes sous-marines les auraient empêché d’en sortir. Les animaux peuvent également être victimes de virus, de maladie et même blessés de manière naturelle.
L’extrême cohésion sociale de ces animaux fait qu’ils sont également solidaires à leur groupe jusqu’à la fin de leur vie. Il n’est, de ce fait, pas rare de voir des animaux vivants, remis à l’eau lors des sauvetages, retourner vers leurs congénères restés sur le sable. Un pour tous, tous pour un.
Un protocole scientifique au service des animaux marins

Depuis les années ’80, des réseaux de sauvetage ont été mis en place. Mais ils sont confrontés à la gestion complexe de la situation sur la plage. Si l’animal est vivant, il faut soit le remettre en mer soit l’envoyer dans un centre spécialisé. Si l’animal est décédé, une autopsie s’impose afin de connaitre l’origine de l’échouage et de compléter les données nécessaires à la protection de ces animaux.
En fonction de la taille, l’autopsie à lieu sur place ou en laboratoire mais encore faut-il que le scientifique chargé de la mission puisse approcher le cadavre. Lorsqu’un animal est mort sur la plage, surtout lorsqu’il s’agit d’un grand cétacé, les autorités locales peuvent vouloir prendre en charge la destruction rapide de la carcasse (remorquage au large et lestage du cadavre ou inhumation) sans laisser la possibilité aux scientifiques de faire une autopsie. La raison majeure est d’ordre sanitaire : les autorités ne veulent pas laisser un animal séjourner pendant plusieurs jours sur des plages qui, en Europe occidentale, ont une importance touristique majeure. Néanmoins, la destruction sur le site ou en mer n’est pas une solution car, dans la plupart des cas, la carcasse réapparaîtra sous forme de morceaux dispersés qui représenteront une menace sanitaire à plus grande échelle.
L’échantillonnage (un petit bout de peau par exemple), y compris sur les animaux vivants, permet des analyses supplémentaires qui permettent d’obtenir un bilan sanitaire individuel. À long terme, il permet d’avoir des informations à l’échelle de la population. C’est ainsi que les scientifiques ont pu détecter chez une population d’orques un taux de pollution aux PCB (substances toxiques interdites en France depuis 1987 qui continuent à s’accumuler dans l’environnement) de 1300 milligrammes par kilo de graisse chez certaines femelles. Alors qu’un taux de 50 milligrammes par kilo peut déjà, chez cette espèce, détruire le système immunitaire et provoquer l’infertilité.

Les causes des échouages sont nombreuses et multifactorielles. Il est possible d’imputer, au premier abord, la collision avec un bateau puis se rendre compte que l’animal était malade ou parasité. Difficile donc de réellement connaître leur origine. L’attrait aujourd’hui pour la conservation de la nature, la visibilité accrue de ce type d’accident grâce aux médias et le côté mystique de ces animaux facilitent la sensibilisation de la cause auprès du grand public. Mais il est difficile de préserver le monde invisible de l’océan. Ce qui se déroule sous la surface nous revient par fragments. Nous ne détectons que les causes et non les effets. Une chose est néanmoins sûre : ce que nous faisons sur terre se répercutera au centuple dans la mer.

Pigiste
Spécialités : Sciences, nature, art
Description : J’ai pendant un temps étudié à l’Université de l’Invisible d’Ankh Morpork. Fan des coquelicots, je passe mes weekends à courir après les papillons et à voler sur ma Longwing, Lily. J’ai, depuis peu, rejoint le château de Hurle où j’essaye de percer, avec l’aide de Nausicaa, les mystères de ce monde. Une question reste toutefois sans réponse : Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau ?
Article bien clair et objectif sur un sujet qui m’intéresse particulièrement (vous le savez évidemment !!)