ERPW (En Route Pour Wembley) est une chronique en 24 épisodes dédiée à la préface de l’Euro 2020. Chaque épisode s’intéresse à une nation spécifique au travers d’un prisme varié. Du récit culturel au joueur « coup de coeur », de l’historique footballistique au parcours de qualifications, des atouts aux faiblesses : venez découvrir ce qui se cache derrière chacune des sélections présentes cet été. Aujourd’hui, la Mannschaft.
Si l’Allemagne ne s’est pas toujours appelée comme cela, il ne souffre d’aucune contestation que ce territoire regorge d’histoire, d’idées et de rigueur. Jean-Sébastien Bach, Johannes Brahms, Jacques Offenbach, Ludwig von Beethoven, Richard Wagner : au pays de la droiture, le classicisme musical s’impose comme une religion. Mais l’histoire allemande est une histoire en mouvement qui s’inscrit dans le temps. Les frères Grimm la racontent, Johannes Gutenberg l’imprime, Martin Luther la réforme. Terre de science et d’inventions, le territoire allemand prend rapidement le doux pseudonyme de pays des poètes et des penseurs. Un surnom auxquels participent les Albert Einstein, Max Planck et Wilhelm Röntgen. De Friedrich Engels et Karl Marx à Friedrich Nietzsche en passant par Georg Hegel, la force de la pensée allemande s’est imposée en Europe comme nulle pareille. Et au pays d’Alois Alzheimer, la Mannschaft voudra, cet été, perdre la mémoire de 2018.
Un ogre mondial dans une période de creux

La RFA n’a participé à aucune des trois premières éditions de l’Euro : deux fois de manière volontaire puis elle ne parvient pas à se qualifier. Elle va ensuite afficher, en tant qu’Allemagne de l’Ouest puis qu’Allemagne réunifiée, des statistiques hallucinantes : douze participations consécutives (un record), dont neuf demi-finales (un record), six finales (un record) et trois titres (un record avec l’Espagne). Die Mannschaft (« l’équipe ») décroche son premier titre continental en 1972 pour sa première participation, puis en 1980 contre la Belgique avant un nouveau dénouement épique contre la République tchèque en 1996 avec le premier but en or majeur de l’histoire. L’Allemagne tentera de régner seule à la tête de l’Europe puisqu’elle n’a plus atteint les sommets européens depuis un quart de siècle.
À l’échelle planétaire, l’équipe d’Allemagne possède l’un des plus beaux palmarès, avec un record de huit finales de Coupe du Monde : quatre remportées (1954, 1974, 1990 et 2014) et quatre perdues (1966, 1982, 1986 et 2002). Die Mannschaft est ainsi devenue la première nation à réaliser le doublé Euro – Coupe du Monde en 1972 et 1974. Lors du Mondial du russe de 2018, l’Allemagne a subi un sacré revers avec une élimination dès la phase de groupes et une dernière place, une première dans son histoire d’après-guerre.
Les Allemands ont également enregistré quelques désillusions ces derniers mois. Même s’ils ont assuré la première place de leur groupe de qualifications pour cet Euro, ils ont subi une défaite à domicile contre les Pays-Bas. En Ligue des Nations, ils n’ont empoché que deux victoires en six matchs et ont reçu une gifle 0-6 de l’Espagne. Plus récemment, l’équipe a perdu chez elle 1-2 contre la Macédoine du Nord en qualifications de la prochaine Coupe du Monde.
Un groupe entre certitudes confirmées et promesses à remplir

- Principal point fort : dans les cages, l’Allemagne peut compter sur un gardien de haut-vol. Manuel Neuer fait en effet partie du top 3 des meilleurs gardiens du monde. Il a tendance a jouer comme un libero permettant à l’Allemagne de jouer très haut sur le terrain.
- Le milieu de terrain est un embouteillage de talents hors-norme (Joshua Kimmich, Leon Goretzka, Toni Kroos, Ilkay Gundogan, Emre Can, Serge Gnabry, Leroy Sané, Kai Havertz, Thomas Müller). De plus, le quintet Kimmich-Goretzka-Gnabry-Sané-Müller est la charpente principale du Bayern et se connaît parfaitement. Sans doute une aubaine pour faire tourner la machine noir-jaune-rouge
- La polyvalence de Joshua Kimmich est sans doute aussi un énorme atout pour l’Allemagne. Il peut jouer à peu près partout et il a une densité de jeu incroyable. De quoi offrir pas mal de possibilités à Löw.
- Le retour de joueurs aussi expérimentés que Thomas Müller et Mats Hummels est une aubaine pour le groupe. Ils pourront encadrer les plus jeunes et les faire profiter de leur expérience. Ils manquent cependant d’automatismes avec le reste de l’équipe et ils n’ont pas eu le temps de les peaufiner.
- Principal point faible : l’effectif allemand est très déséquilibré tant il brille par sa qualité à certains postes et ses manques à d’autres. La défense, surtout centrale, est assez problématique. Elle est lente, manque de mobilité, est encline aux erreurs, est peu sereine et apporte peu d’assurance. D’autant plus que les latéraux ne sont pas de niveau international.
- L’attaque est décimée en termes d’efficacité. Timo Werner a la confiance de Thomas Tuchel à Chelsea mais il manque cruellement d’adresse devant la cage. Kevin Volland est l’auteur d’une très bonne saison à Monaco mais il n’a les épaules du plus haut niveau. À moins que Löw ne fasse confiance à Thomas Müller pour déménager la pointe de l’attaque. Une chose est sûre, le retour du joueur du Bayern ramènera une dose d’efficacité (et un peu de vice aussi) qui manquait énormément à l’attaque allemande. Il manque aussi un attaquant de grande taille comme Miroslav Klose qui pourrait être important pour le jeu aérien, un véritable target-man qui excelle dans le jeu de tête et est approvisionné par de bons centres.
- La Mannschaft manque aussi du détonateur que pouvait représenter Marco Reus. Le groupe manque d’un joueur capable de faire la différence seul dans un match un peu plus fermé ou difficile. L’expérimenté joueur du Borussia Dortmund a lui-même décliné sa sélection, au terme d’une saison intense et éprouvante où il a connu plusieurs blessures. Il avait pourtant terminé la saison en pleine forme. Autre question importante, quel effet aura le retour de ces “vieux“ (Hummels/Müller) jetés par Joachim Löw après le Mondial 2018. Sa position n’en ressort-t-elle pas diminuée, lui qui quittera la sélection au terme du tournoi?
Après l’humiliation de 2018, l’Allemagne a dû se réinventer. Exit donc les trentenaires (sauf Kroos et Neuer) dont Joachim Löw ne voulait plus et place à la jeunesse. Mais si aligner des jeunes était la solution miracle, cela se saurait. Sans repère, cette nouvelle Allemagne s’appuie sur des jeunes coqs fougueux qui ont tendance à courir sans tête lorsqu’ils sont mis en difficultés. La gifle en Espagne l’a démontré, le revers contre la Macédoine du Nord l’a confirmé : quand elle est bousculée, la Mannschaft est désemparée. Est-ce possible de marcher sur l’Europe dans de telles conditions?
Pronostic de la rédaction : l'Allemagne est une équipe en phase de reconstruction. Son entraîneur est en fin de cycle et l'équipe a besoin d'un second souffle. La Mannschaft ne devrait pas être l'une des candidates au titre final. Même si lors de chaque grand tournoi, l'équipe se transcende.
ALVARRO, Tchoupi & Estelle Hittelet

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