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Cela fait maintenant plusieurs décennies que les climatologues pointent les dangers qui accourent avec le réchauffement climatique. Et si les différents rapports d’experts nous proposent à chaque fois des scénarios catastrophes probables, il est intéressant de savoir ce qui nous attend réellement. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est encore pire que prévu.

Incendies, inondations, vagues de chaleur sans précédent : quelques mois après l’apparition et le développement d’une pandémie ravageuse, l’année 2021 sembler marquer l’installation des « années catastrophes ». Car si la presse a parlé d’une malheureuse série d’événements extrêmes, de malchances et de coups du sort, il faut plutôt pointer du doigt une régularité de dysfonctionnements de plus en plus présente.

Et si l’été fut difficile, l’hiver n’est pas encore arrivé. Mais la neige parviendra-t-elle à tout effacer ou le froid frappera-t-il à nouveau durement? De toute façon, le discours se veut rassurant « l’année 2022 ne pourra pas être pire ». C’est pourtant ce que l’on disait déjà de 2021. Et si, en fait, tout cela était désormais voué à se répéter?

Des alertes rouges de plus en plus fréquentes

Créé en 1988, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) n’est plus à présenter. Depuis de nombreuses années, il produit des rapports réguliers sur l’évolution et la planification du climat de notre chère planète bleue. Le dernier en date, publié le 9 août 2021, avance les conséquences concrètes des années à venir. Selon les derniers calculs, la température devrait atteindre le seuil des +1,5°C (depuis l’époque pré-industrielle), censé être le taux à ne jamais franchir selon les Accords de Paris de 2015, dès 2030. Soit 10 ans plus tôt que ce que prévoyait le rapport de 2017. À plus long terme, les scientifiques prédisent une augmentation de 3 à 6°C pour 2100.

Comme pour l’existence du réchauffement climatique, les chiffres ne sont malheureusement pas suffisants. Il a fallu attendre que l’Europe, l’Asie du nord-est et l’Amérique du Nord ne soient touchés pour que les citoyens de ces régions n’acceptent de reconnaître le problème climatique dénoncés des décennies auparavant. Rien ne vaut donc des exemples précis. D’ici 2030, le nombre de personnes impactées par les inondations sera ainsi multiplié par deux et les stocks de poissons seront gravement diminués (perte de 1,5 million de tonnes de produits de la pêche) pendant que le nombre de famines et de pénuries d’eau exploseront.

Si les 2°C sont atteints, ce sont 7% supplémentaires de la population mondiale, soit 490 millions de personnes, qui seront concernés. À cela s’ajoute la désormais célèbre augmentation du niveau des océans, avec +20 cm depuis 1900. Une vitesse qui n’a plus été atteinte depuis plus de 3000 ans. Et comme ce rythme ne cesse d’augmenter (et de manière exponentielle), la Mer du Nord pourrait avoir augmenté de deux mètres sur la côte belge en 2100. Ostende, Gand, Bruges et la banlieue d’Anvers seraient alors, théoriquement, sous eaux.

L’homme à la source de ces changements

Longtemps sous-entendu mais encore plus longtemps rejeté, l’impact humain sur ce réchauffement est aujourd’hui indiscutable. L’intensification de l’effet de serre atmosphérique par les usages humains est bel et bien LA cause du réchauffement climatique. La concentration de gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère depuis 2011, par exemple, est en moyenne de 410 parties par million (ppm), un niveau jamais atteint depuis deux millions d’années.

De plus, de récentes simulations de l’évolution du climat depuis 1850 ne laissent plus place au doute. Seules les simulations tenant compte des émissions humaines (en orange sur le graphique) parviennent à reproduire les variations actuelles de température (ligne noire sur le graphique). Les simulations n’utilisant que les facteurs naturels (en vert sur le graphique), comme l’activité animale, volcanique et solaire, montrent quant à elles une évolution stable qui se trouve être très éloignée du réel. Concrètement, si l’espèce humaine n’avait pas interférer dans le cours normal d’activité naturelle, la température globale n’aurait pas augmenté de 0,3°C depuis 1850.

Parlons chiffres encore une fois pour montrer à quel point la situation est dramatique. Depuis 1750, l’humanité a émis 2.560 milliards de tonnes de CO2. Pour limiter le réchauffement climatique à +1,5°C, soit respecter l’Accord de Paris de 2015, il ne faudrait plus en émettre que 500 « pour toute la vie ». Pour le limiter à +2°C, il ne faudrait jamais dépasser 1150 milliards de tonnes supplémentaires. Ces objectifs supposent d’abandonner l’utilisation de la majeure partie des énergies fossiles disponibles en sous-sol. Et donc des transformations technologiques, économiques, sociales, culturelles et politiques totales de l’ensemble des pays du globe.

Des conséquences extrêmes et irréversibles

Contrairement aux précédents, le rapport du GIEC du 9 août annonce trois futurs possibles. Un premier où le réchauffement est limité à 1,5°C, un second où il monte à 2°C et un troisième où il grimpe jusqu’à 4°C. Pourquoi cette nouveauté? Parce que cette troisième possibilité est désormais une probable réalité et qu’elle doit donc être prise en compte. Mais vers lequel de ces trois scénarios nous dirigeons nous réellement?

Déjà, il faut noter que ces trois scénarios ne sont pas du tout équiprobables. Le premier, celui à +1,5°C, (cartes de gauche sur le graphique) supposerait une diminution drastique des émissions mondiales dès aujourd’hui à un rythme très élevé. Concrètement, l’arrêt brutal de toute utilisation d’énergies fossiles et une transition vers l’énergie 100% renouvelable dans les 5 ans. Sa probabilité économique, sociale et politique est totalement nulle. Nous ne parviendrons donc pas à maintenir le réchauffement en-dessous des 1,5°C, les Accords de Paris n’ont servi à rien.

Le second scénario, celui à +2°C, suppose l’engagement de politiques très sévères de restriction de l’usage des énergies fossiles et de nombreux autres éléments d’une politique climatique efficace, à long terme, menée conjointement et en contradiction avec le système géopolitique actuel. Sa probabilité est faible, mais si ces politiques étaient engagées mondialement dans les 10 ans à venir, ce scénario aurait une chance de voir le jour. Enfin, le troisième scénario, celui à +4°C (cartes de droite sur le graphique) correspond à la trajectoire historique des émissions des gaz à effet de serre depuis 1992, l’année de la Convention Climat de l’ONU. Soit le modèle qui suit notre situation actuelle. Concrètement, si nous suivons notre rythme actuel et que nous continuons dans cette voie, nous connaîtrons un réchauffement de 4°C alors que nous sommes censés ne pas dépasser les 1,5°C.

Selon les projections des experts, il faudrait réduire de 45% nos émissions de CO2 avant 2030 et atteindre (ou presque) le « zéro carbone » en 2050 pour réussir à maintenir le réchauffement climatique à +1,5°C en 2100. Pour réussir pareil défi, la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial doit atteindre de 70 à 85% en 2050. Elle était de 17,9% en 2018. C’est ce gouffre réel, bien plus parlant que des courbes de probabilité, qui doit être mis en avant pour faire comprendre l’extrême urgence de la situation. Rien ne bougera tant que l’on parlera de schémas et de projections.

Depuis deux ans, l’Occident semble enfin prendre conscience qu’il sera, lui aussi, directement frappé par les changements climatiques. Le Covid-19, les incendies meurtriers et les inondations destructrices ont choqué la Belgique, l’Europe et le « monde évolué ». Il faut profiter de cet état de choc pour faire réagir les gens, tant qu’ils sont encore concernés. Le changement climatique est arrivé encore plus vite que prévu et il n’est plus temps de renvoyer le problème aux générations futures. Parce qu’à ce rythme, il n’y aura pas de générations futures.

3 Replies to “Réchauffement climatique | Vers quel scénario se dirige-t-on réellement?”

  1. Il faut garder espoir qu’il va y avoir un vrai sursaut car à l’heure actuelle ce n’est pas l’impression que ça donne. En mars 2020 tout le monde a parlé du monde d’après, je me demande ce que sont devenues toutes ces belles paroles. (:

  2. Très bon article, bien documenté et tellement véridique malheureusement. En fait, si les mentalités et le nombrilisme des gens ne changent pas rapidement, il n’y a aucun espoir. C’est tjs facile de dire, ce n’est pas moi, ce n’est pas à mon niveau que ça se passe, ça ne changera rien de toute façon mais il faut AGIR. Non seulement, en votant pour des gens (même pas des partis) qui veulent du changement IMMEDIATEMENT mais aussi en faisant soi-même les efforts indispensables. Il faut revoir sa conception de la vie, son confort, son habitat, la localisation de son bien, ses déplacements professionnels, privés… Ne plus acheter des produits fabriqués en Chine, vivre dans un bien où on n’est pas totalement dépendant de sa voiture, utiliser les transports en commun, manger local, réaliser des investissements pour économiser l’énergie, ne pas partir 10 fois en vacances à l’étranger sous prétexte que le prix de l’avion est bas ou que l’on en a vraiment besoin vous savez… Mais pour que ça réussisse il faut que les pouvoirs publics donnent les moyens à la population par des investissements massifs dans les transports en commun , des pistes cyclables, de l’aide pour la réalisation de travaux d’isolation, taxer le kérosène, instaurer une taxe sévère sur tout produit non nécessaire ou pour lequel il n’y a pas une équivalence locale en provenance de pays lointains… Bref, du courage politique. Mais ces politiciens ne pourront prendre ces décisions que si ils sont élus par des gens dont la préoccupation principale est tout simplement de sauver la planète et pas de sauver sa propre gueule, son bien-être, son confort, son job… Il reste du travail mais il ne faut surtout pas se décourager et ce sont les jeunes qui doivent exiger que les choses se passent de cette manière. Notre génération se dit préocuppée mais ne fait rien de concret! Mettre des ampoules basse consommation ou récupérer l’eau de pluie ne sauvera pas la planète c’est clair. Bonne chance à vous!

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