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Au cœur du Liban, une famille a marqué l’histoire politique du pays comme aucune autre : les Gemayel. Leur parcours, jalonné de gloire et de tragédies, incarne les tourments d’une nation déchirée. Plongeons dans l’épopée de cette dynastie chrétienne maronite qui a façonné le destin du Liban moderne.
Tout commence avec Pierre Gemayel, le patriarche. En 1936, ce jeune pharmacien assiste aux Jeux Olympiques de Berlin. Fasciné par la discipline allemande, il fonde à son retour le Parti phalangiste libanais. Ce mouvement nationaliste et paramilitaire va rapidement devenir incontournable sur la scène politique.
Le Parti phalangiste prône un « libanisme intégral« , visant à créer un État souverain où toutes les communautés cohabitent. Malgré des accusations de fascisme, Pierre Gemayel rêve d’un Liban uni. Son engagement porte ses fruits : en 1943, le pays obtient son indépendance.
Le Liban des années 1940 est une mosaïque de communautés : chrétiens maronites, musulmans sunnites et chiites, druzes… Pour maintenir la paix, un pacte national répartit les postes clés selon les confessions. Mais cet équilibre précaire ne tiendra pas longtemps.
Dans les années 1950, la menace d’une coalition anti-israélienne menée par l’Égypte et la Syrie plane sur le Liban. Le Parti phalangiste et le président Camille Chamoune s’y opposent farouchement. L’intervention américaine sauve le pays, et Pierre Gemayel entre au gouvernement.
La guerre des Six Jours en 1967 bouleverse la région. Des milliers de réfugiés palestiniens affluent au Liban, déstabilisant le fragile équilibre confessionnel. La présence de forces armées palestiniennes inquiète la classe politique libanaise. Le pays devient l’otage d’une crise qui le dépasse.
Le 13 avril 1975, Pierre Gemayel échappe de peu à un attentat. Le même jour, un bus palestinien est attaqué par des milices phalangistes. C’est le début d’une terrible guerre civile qui va ravager le pays pendant 15 ans.
Le conflit radicalise Pierre Gemayel, qui nomme son fils Bachir à la tête du Parti phalangiste. Les milices chrétiennes s’unifient sous la bannière des « Forces libanaises » et triomphent des forces palestiniennes. Bachir et son frère Amine deviennent les hommes forts du camp chrétien.
Mais le destin s’acharne sur la famille. En 1980, Maya, la fille de Bachir âgée de 20 mois, est tuée dans un attentat. Deux ans plus tard, Bachir lui-même est assassiné, trois semaines seulement après son élection à la présidence.
Amine Gemayel succède à son frère à la présidence, mais sa tâche est titanesque. Pris en étau entre les forces israéliennes et syriennes, il sombre dans la dépression après la mort de son père en 1984. En 1988, il part en exil en France.
Le retour d’Amine au Liban en 1992 marque un nouveau chapitre pour la famille. Son fils, Pierre Amine « Junior » Gemayel, entre en politique. Les Gemayel reprennent espoir avec le retrait des troupes syriennes au début des années 2000.
Mais la malédiction n’en a pas fini avec les Gemayel. Le 21 novembre 2006, Pierre Amine Gemayel, ministre de l’Industrie, est assassiné dans la banlieue de Beyrouth. C’est le troisième Gemayel à connaître un sort tragique en trois décennies.
Cette série noire rappelle à certains la « malédiction Kennedy ». Mais pour beaucoup, les Gemayel portent aussi une part de responsabilité dans les troubles du Liban. Leur vision d’unification s’est souvent heurtée à la réalité d’un pays profondément divisé.
Aujourd’hui, le bilan de la dynastie Gemayel reste ambigu. Leur rêve d’un Liban uni et indépendant s’est heurté aux réalités géopolitiques et aux tensions communautaires. Leur parcours incarne les espoirs et les tragédies d’une nation qui peine encore à trouver sa voie.
Le mémorial érigé à Bikfaya, fief de la famille, témoigne de leur impact sur l’histoire libanaise. Mais il rappelle aussi le prix payé par les Gemayel et le Liban tout entier dans leur quête d’unité nationale.
Quinze ans après la mort de Pierre Amine Gemayel, le Liban reste fragile. Les secousses politiques et communautaires qui ont marqué l’histoire des Gemayel continuent de menacer la stabilité du pays. L’héritage de cette famille reste à écrire, tout comme l’avenir du Liban.